Extrait de la notice historique sur Frouard
écrit en 1932 par Mr Dezavelle, Directeur d'école à Frouard et transmis par Alain Mariotte
Les échos de la Bataille de Nancy à Frouard (1477)
Propriétaires du château féodal
Contexte historique
Les ducs de Lorraine étaient, à FROUARD, en contact permanent avec les comtes de BAR qui possédaient le château de l'Avant-Garde à POMPEY et les évêques de Metz, qui étaient seigneurs du château de CONDÉ (Custines).
Aussi pour tenir en bride les deux châteaux ennemis, les ducs de Lorraine édifièrent une forteresse à FROUARD. Le château-fort était érigé sur un escarpement d'accès difficile, au rebord du plateau que l'on désigne sous le nom des RAYS. Il dominait toute la vallée de la Moselle et commandait la seule route de SAINT MIHIEL à NANCY.
Les relations entre ces trois seigneurs étaient loin d'être toujours amicales, comme le prouvent les guerres qui les divisèrent au cours des siècles.
Le château de FROUARD eut à subir de nombreuses fois les assauts des deux ennemis coalisés des ducs de Lorraine. Aussi la localité de FROUARD fut souvent le théâtre de batailles sanglantes.
Un château-fort existait déjà à FROUARD, car lors de la bataille de 1132 les chroniques anciennes en font état lors de cet événement.
Combat de 1132
Le duc de Lorraine SIMON 1er, était en guerre avec le comte de Bar, l'évêque de Metz et l'archevêque de Trèves. Il se jeta sur la Lorraine allemande et l'archevêché de Trèves, et se mit à les ravager. Mais pendant ce temps, l'archevêque réunit une armée considérable dont il confia le commandement à son neveu GEOFFROY, sire de Faulquemont.
SIMON traversa la rivière qui le séparait de l'armée de FAULQUEMONT et vint lui offrir le combat, pendant que RICHARD faisait une sortie du château. Le duc était accompagné du comte de SALM, qui était un bel homme très brave et très savant dans son métier de la guerre. C'était un jeune homme de 18 ans; très guerrier et plein de bravoure et d'habileté. GEOFFROY conçut le projet hardi de porter la guerre au coeur même de la Lorraine.
SIMON, qui avait porté la guerre au Nord pour protéger ses États septentrionaux, lesquels s'étendaient jusqu'a Trèves, fut obligé de changer de plan. L'armée de l'archevêque traversa le pays messin, où elle ne rencontra que des amis, remonta la vallée de la Moselle et vint mettre le siège devant le château de Frouard.
La bataille eut lieu, sanglante.
Les troupes du duc de Lorraine furent entièrement défaites; le comte de Salm, son fidèle allié, fut blessé de deux coups de lance qui le percèrent de part et d'autre et le firent mourir. Le duc lui-même reçut une grosse blessure au poignet qui lui vint d'un coup de hachette.
L'armée Lorraine se dispersa, les garnisons et RICHARD se hâtèrent de rentrer et SIMON lui-même se réfugia dans son château de Nancy.
SIMON, apprenant le danger, laissa des guerriers à la frontière et revint pour secourir la forteresse de Frouard. Le capitaine RICHARD, qui commandait la garnison du château, craignant de ne pouvoir résister à l'attaque, donna un signal dont on s'était convenu à l'avance. Aussitôt, les garnisons de tous les châteaux voisins sortirent et rejoignirent le duc SIMON qui campait avec son armée près de l'abbaye de Bouxières à une lieue de Frouard.
L'ennemi l'y poursuivit espérant par un coup de main s'emparer de la forteresse et du souverain, mais, coup de théâtre, l'empereur d'Allemagne arriva au secours du duc, et fit lever le siège à l'ennemi.
SIMON put sortir de son château, rallier ses troupes dispersées; les réunir à l'armée impériale, et à son tour, poursuivre FAULQUEMONT, le battre à deux reprises sur les terres de l'archevêque et, pour se venger, y commettre de grands ravages. Haut de page
Un autre combat, non moins sanglant, eut lieu en 1230 dans les plaines entre Frouard et Champigneulles. Le duc de Lorraine, MATHIEU II, était en guerre avec HENRI II, comte de Bar.
Les deux armées s'étant trouvées en présence, le combat fut bientôt engagé. L'opiniâtreté et le courage le rendirent cruel. Tout le monde y fit des prodiges de valeur. Mais l'infanterie lorraine, qui formait l'aile gauche, ayant été enfoncée, l'aile droite qui n'était composée que de cavalerie, fut mise en déroute et prit la fuite. Le duc, l'épée à la main, voulut en vain rallier ses troupes ; indigné, il jeta son casque à terre, arracha la cravate de son drapeau et prenant un pique des mains d'un de ses officiers, nommé FRISON, s'avança seul contre les ennemis, et allait être enveloppé lorsque ce soldat fidèle le couvrit de son corps, et fut tué en criant :
<< Respectez le sang de mon prince >>.
Voici comment HARAUCOURT, dans ses mémoires, raconte cet événement :
<< En li malencontreuse journée, fut li duc en grande malchance et li chevaucheurs qu'estoient en sa gauche ayant pris l'épouvante s'enfuirent en revers dos ; et li duc en grande crise de désespoir, ne volie onc porter li pot et harnois de maille qu'avait sur le corps, mais print lance qu'arracha ez mains d'un sieu soudard, et n'en fit à deux et se jeta en bien mitant de l'ennemi qui l'enveloppa et seroit li duc occis d'autant qu'estoit à pied, quand un messin soudard qu'avait nom FRISON, posa son corps en avant, bailli sa vie pour celle du duc, et chut à ses pieds, criant à tout l'Ost : << Par Dieu, gardés de verser li sang qu'est là sang est pur de mon maître ! >>
Le duc, après cela, eut le temps de fuir et de se retirer à Gondreville dont il fit rompre le pont et où il fut assiégé.
Combat de 1313
La date de ce combat qui est resté mémorable est contesté. Les historiens de la Lorraine et LEPAGE en particulier, placent cette bataille en 1308. Il a été reconnu depuis que sa date est 1313 et non 1308 et que le duc de Lorraine qui y combattit était FERRI IV au lieu de THIEBAUT II. FERRI IV était donc en guerre avec son voisin, ennemi héréditaire, l'évêque de Metz, qui était alors RENAUD de BAR. Celui-ci avait comme alliés le comte de BAR et le comte de SALM.
Quels étaient exactement les motifs de la querelle ?
Le pape CLÉMENT V, voulant contribuer aux succès des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui avaient entrepris la conquête de l'île de Rhodes, fit lever des décimes dans toute la chrétienté et comme il avait eu l'occasion de rencontrer le duc FERRY à Lyon, il le chargea de procéder à cette opération délicate dans son duché et dans les seigneuries voisines.
L'évêque de Metz fut offensé de voir un laïc chargé de lever les décimes sur des biens ecclésiastiques. Le duc fut d'ailleurs trop entreprenant et trop vif, il outrepassa les instructions du pape, et refusa d'écouter les remontrances du prélat. Malgré la résistance de l'évêque, le duc exigea des décimes des églises du temporel de l'évêché.
La guerre s'ensuivit donc. L'évêque appela à son secours EDOUARD Ier, comte de Bar, et son neveu NICOLAS, comte de Salm.
L'armée ennemie entra donc en Lorraine et vint mettre le siège devant le château de Frouard. FERRI assembla aussitôt les troupes qu'il avait dans les environs de Nancy et accourut au secours de la place le jeudi avant la Saint Martin d'hiver, c'est-à-dire le 8 novembre 1313. L'armée ennemie se trouvait rangée en bataille dans un vallon situé au-dessous de Frouard, qu'on appelait le champ Saint Martin.
Le bon ordre des troupes et la supériorité du nombre lui persuadèrent qu'il s'était trop avancé. Mais le duc, qui joignait l'expérience au génie militaire, eut recours à un stratagème. Il gagna les hauteurs qui dominent la Moselle et fit mettre pied à terre à sa cavalerie et comme l'ennemi le suivait il jeta sur lui d'immenses quartiers de roc et des pierres. Telles furent les armes avec lesquelles les lorrains combattirent. Les ennemis, accablés par une grêle de cailloux, furent mis en déroute. Quand le désordre fut mis dans les rangs ennemis, l'armée lorraine descendit au grand galop de la colline, tua 200 hommes et précipita les autres dans la Moselle.
RENAUD de BAR put s'enfuir, mais il laissait prisonniers entre les mains du duc les comtes de Bar et de Salm. La victoire était complète. Un traité ratifié en 1314 rendit la liberté aux prisonniers. Mais la paix devait être de courte durée, car dès 1350 Lorrains et Messins recommençaient la guerre.
Guerre de 1352
Le duc de Lorraine, RAOUL, mort en 1346, avait laissé la régence à sa femme, MARIE de BLOIS. La duchesse ambitieuse, avait essayé de prendre Metz, qu'elle considérait comme une bonne proie. Elle n'y réussit pas et se contenta de ravager la région et de brûler quelques villages des alentours.
Les Messins pour se venger entrèrent en Lorraine et vinrent camper devant le château de Frouard.
MARIE de BLOIS n'y avait laissé qu'une garnison insignifiante. Les ennemis ravagèrent le bourg de Frouard, qui était très important, et firent de nombreux prisonniers.
Voici ce qu'en disent des chroniques anciennes :
<< Ceux de Metz... furent devant Nancy, ardout (brûlèrent) le pays entour, et assaillirent Frouard et waignont le bourg et y prindrent plusieurs prisonniers... >>
La Chronique de lorraine, raconte qu'il y eut encore un combat en 1434, sous le règne de CHARLES II, entre << Loherains et Barrisiens >>, dans les environs de Frouard.
<< Les ducs de Bar, souventes fois la guerre en Loheregne faisaient. des Loherains et des Barrisiens se rencontrèrent à pougny (combat) de Frouward; dont il mourut moult de gens de bien d'un coustel et d'altre. Une altre rencontre feirent après de Condé (Custines) dont la plupart des Barrisiens furent prins et tués... >>
Les échos de la bataille de Nancy (1477) à Frouard
Avant leur brouille de 1476, CHARLES le TÉMÉRAIRE ; l'orgueilleux duc de Bourgogne et le duc de Lorraine RENÉ II se trouvaient en relations assez amicales, surtout depuis un traité qui avait été conclu entre eux le 15 octobre 1473.
Au mois de décembre de la même année, CHARLES avait obtenu de RENÉ II l'autorisation de traverser la lorraine pour conduire à Dijon les restes de son père, PHILIPPE le BON, enseveli à Bruges. On sait que c'est au cours de ce passage que CHARLES le TÉMÉRAIRE installa des garnisons dans les places d'Amance, Charmes, Epinal, Darney, ce qui devait attirer la brouille entre les deux seigneurs.
C'est également au cours de ce passage en Lorraine que CHARLES le TÉMÉRAIRE vint visiter le château de Frouard et y passa même la nuit du 15 au 16 décembre 1473 avant de se rendre à Nancy où 4 ans plus tard il devait trouver le mort.
Cette bataille de 1477 eut quelques échos à Frouard. Les vaincus en déroute s'étaient retirés dans la direction de Pont-à-Mousson, le gros des fuyards passant par Bouxières.
Un détachement de Bourguignons cependant poussa jusqu'à Frouard où il fut littéralement massacré. Non loin de l'endroit où s'élevait autrefois l'ermitage Saint-Jean, resté célèbre dans la légende populaire, se trouve un lieu dit : << à la ravage-fosse-des-Bourguignons >> qui par son nom semble indiquer l'emplacement de ce massacre.
Le massacre a eu lieu à l'emplacement dit << Carrière des Morts >>, en dessous de la batterie du fort de l'Éperon. Les Bourguignons ont été ensevelis dans le creux que l'on appelle encore : << La fosse des Bourguignons >>.
Le château fut démoli en 1633 sur les ordres de LOUIS XIII, de même que la plupart des autres châteaux de la région.
Propriétaires du château féodal
Un ancien titre des archives de FROUARD, fait part que MATHIEU l'acquit en suite d'un procès entre les habitants de FROUARD et de LIVERDUN qui se disputaient la propriété d'une partie de forêt. Le château appartint aux ducs de Lorraine, il est impossible de dire si ces ducs le cédèrent à quelques vassaux.
En 1530, le seigneur de FROUARD était un nommé Nicolas VALETTE ou VALET, sa fille AGNES de FROUARD, épousa messire Claude de FERNAY qui devint seigneur de FROUARD en 1591.
Plusieurs titres datant du milieu du XVIème siècle et de 1609, citent André des PORCELETS de MALHIANNE comme seigneur de FROUARD.
En 1612, VALHEY est seigneur de FROUARD, mais la possession du château lui est contestée.
En 1680, Louis-Hilaire MARY est admodiateur de la terre de FROUARD, appartenant au marquis de GERBEVILLER.
Toujours en 1680, le château a changé de propriétaire, car le nom de Jean de ROQUEFEUILLE de PUYDEBAR, seigneur de FROUARD, revient fréquemment dans les actes à propos des déclarations d'état civil faites par les individus attachés au service du château et des terres qui en dépendaient.
Le duc LEOPOLD, nomme, dès la première année du XVIIIème siècle, le sieur LUNATI VISCONTI marquis de FROUARD.
Le 5 mai 1703, les terres appartiennent à Antoinette Thérèse d'HERBEVILLER veuve de Jean de ROQUEFEUILLE, qui fait ses << foi et hommage >> pour la haute, moyenne et basse justice de FROUARD.
En 1734, un acte d'état civil fait mention d'un prince d'ESTERHAZY.
En 1772, Louis Charles, comte de CHABOT, lieutenant général des armées du roi devint seigneur de FROUARD, POMPEY, MARBACHE et des deux SAIZERAIS.
En 1781, Alexandre Louis de LATTIER, héritier du comte de CHABOT fait ses << foi et hommage >> pour terre et seigneurie du Ban la Dame, consistant en haute, moyenne et basse justice des deux châteaux. ( Le vieux château détruit et le château d'en bas.)Par jugement arbitral du 26 septembre 1793, les habitants de FROUARD obtiennent la possession des biens du citoyen LATTIER.Un jugement de la cour de Cassation du 14 fructidor, an V, rend à LATTIER les biens que la commune avait détenus et ce dernier renonce à toutes réclamations de dommages et intérêts.
L'héritière de Louis de LATTIER fut la comtesse de ROCHEFORT, domiciliée à PARIS, où elle décède le 3 décembre 1868, sans aucun héritier. Tous les biens furent liquidés par le légataire universel le comte JUSTE de FAY.
M. RENAUD, instituteur en retraite à FROUARD, achète le vieux château.
Par la suite, M. MARANGE en devint le propriétaire et à son décès, le professeur NICLAUSE en hérita.
Depuis quelques années, la ville de FROUARD possède l'ensemble des terrains.
Les ruines actuelles
De la forteresse, il reste encore actuellement quelques ruines attestant de son importance. Longueur 100 mètres, largeur la plus grande 50 mètres.
On repère dans cet emplacement, recouvert par la végétation, une citerne de 4 m sur 3 m et profonde de 3m environ, une chambre souterraine avec une ouverture de 60 cm. Divers murs d'enceinte sont encore visibles malgré les taillis.
Mais ce qui a défié le temps et les outrages des hommes, c'est une partie de tour ronde demeurée solide avec sa maçonnerie d'un mètre soixante d'épaisseur, ainsi qu'une partie de la tour carrée. Le château fort était en deux parties différentes séparées par un fossé.
La première, plus haute en niveau, avait la plus grande surface et formait une enceinte quadrangulaire flanquée de tours rondes dont il ne reste que les vestiges d'une seule.
Pour le reste, l'intérieur de l'enceinte n'est qu'éboulis et tas de pierrailles. Une partie du soubassement de la porte d'entrée est encore visible.
La deuxième partie avait une forme un peu triangulaire flanquée de tours et formait une grande plate-forme.
Une chapelle dite "Chapelle Saint-Claude" a été transférée du château à l'église paroissiale, mais aucune trace ne subsiste à l'heure actuelle.